• AMINE.BOUYKIDAREN

    LA DEMANDE INITIALE :

    La demande initiale était de créer une représentation de danse/musique/arts visuels, avec comme thème central la parade nuptiale.

     

    Il s’agissait de lier ces éléments non seulement d’une manière traditionnelle de simultanéité, mais aussi de créer des correspondances avec le traitement de technologies temps réels notamment à travers l’utilisation de capteurs pouvant de fait agir sur de la vidéo, le son, ou la lumière. 

     

    Afin de nourrir ce travail, nous avons découvert tout au long de l’année,  divers artistes parfois issus de nos cours, parfois issus de recherches personnelles.

     

    Certains exemples nous ont marqué tels que : 

     

    Merce Cunningham (Life Forms) :

     

    Merce Cunningham cherche à codifier de manière numérique des chorégraphies de corps humains, qui sont par leur nature organiques. 


    Il ne s’agit pas d’avoir des connaissances sur comment exécuter une danse ou sur la signification de celle-ci, mais de l’effectuer, de vivre le corps en mouvement. Nous avons imaginé ce que faisait les danseurs à travers sa vision choréologique. 



    INTÉGRATION DES ASPECTS DE LA FUSION IMAGE / SON :

    Nous avons donc choisi d’opposer la musique aux danseurs, créant par là même un dispositif dans lequel, un couple affronte les perturbations de la vie, difficultés incarnées ici dans les différentes tempêtes. 

     

    Toutefois, les dits danseurs sont munis de capteurs afin d’interagir directement sur l’audio et la vidéo. Nous reviendrons plus tard sur l’analyse visuelle de la proposition, et plus en profondeur sur l’aspect vidéo. Mais premièrement interrogeons nous sur la fusion image/son. 

     

    De prime abord, lorsque la performance commence, les danseurs sont seuls, apparaît ensuite un début d’esquisse sonore, puis de la vidéo. Peu à peu les éléments apparaissent et commencent à s’imbriquer parfois à s’alterner.

     Cette fusion image et son s’opère à travers l’utilisation progressive de distorsion ou de glitch dans la musique (ainsi qu’à l’écran). 

     

    Les capteurs movesense des danseurs visent donc à atténuer cette distorsion et ces glitchs, pour illustrer la manière dont les êtres luttent contre les adversités. L’avantage d’utiliser ces capteurs se trouvent dans le fait qu’à l’image du “Life Forms” de Merce Cunningham, ce sont directement les corps et la chorégraphie qui influencent le son et la vidéo, sans avoir besoin d’une intervention humaine délibérée, ainsi en ce sens, les technologies temps réel sont presques “automatisées”.

    DÉROULEMENT DE LA REPRÉSENTATION :

    Dans ce projet, une tempête frappe un couple deux fois, avec une accalmie entre les deux passages. 

     

    L’ouverture :

     

    L’ouverture de l’oeuvre se fait après la rencontre initiale. Le couple a déjà évolué,  il est dans une période déjà harmonieuse. Cette première partie, assez longue, est constituée entièrement de danse, (les éléments perturbateurs n’ayant pas encore affecté le couple.)

     

    Ainsi les deux danseurs entrent en se suivant, Angelo marchant derrière Hina, comme deux êtres ou ici deux animaux se rencontrant dans la nature étant donné le fait que l’on parle de parade nuptial. 

     

    À la suite des conseils de nos directeurs artistiques nous choisissons donc d’entamer cette représentation par quelque chose d’épuré.

     

    Cette partie devait se conclure par un des danseurs (Hina) qui créait un dessin abstrait sur l’écran du projecteur avec une wiimote, (manette de jeu vidéo équipée d’un joystick) ce que l’on rapprochait des oeuvres que créent certains animaux lors de la parade nuptiale.

     

    L’épreuve du temps : 

     

    En réaction à ce dessin, cette offrande,  l’autre danseur (Angelo)  communique avec  Hina par le biais d’un texte exprimé au micro. 

    Ci dessus : Le texte récité

     

    Au milieu de sa parole, le son de sa voix commence à être déstructuré avec des stutters, des delays, des reverse et autres glitchs.

     

     Arrivent ensuite des percussions binaires, au rythme irrégulier et éparse, pouvant évoquer les premiers signes de lassitude et de sensation du temps qui passe dans le couple, car une fois la période d’amour passionnel et facile passée, l’ennui devient une sensation de désœuvrement pouvant provoquer la tristesse.

     

    Ces percussions deviennent de plus en plus fréquentes pour évoquer l’impossibilité d’ignorer l’effet de la routine, nous générons au début ces percussions de manière aléatoire, puis à l’aide d’outil tel que des pads, nous gérons ensuite ces impacts de 90manière choisi. 

     

    Se joignent ensuite aux percussions des textures grinçantes et angoissantes, avec des montées en volume et en timbre suivi de “glitchs” imprévisibles, évoquant les pensées inconscientes, involontaires, parcourant le quotidien ponctuées par des remontées soudaines et violentes de doutes sur le couple.

     

    Ces textures sont passées dans des filtres qui les étouffent, et passées dans une reverb qui les brouille. Comme un murmure de l’esprit. Le manque d’informations provoque un questionnement, au même titre que l’incertitude présente dans le couple. Toute cette première partie est relativement onirique et s’inscrit dans une démarche d’introspection du couple, la remise en question étant nécessaire afin d’avancer.

     

    Au niveau visuel, le dessin offrande qu’Hina devait créé précédemment était censé être maintenant déformé, distordu, et glitché par les techniciens.

     

    Les danseurs peuvent évoquer un élan de créativité. Après un crescendo de questionnement, la matière sonore s’estompe. Il reste les impacts du rythme quotidien, cependant les dispositifs techniques en temps réel des danseurs leurs permettent de les faire partir.

     

    L’ennui pouvant cependant de façon paradoxale entraîner un désir de créativité, afin de combler cette sensation de vide. S'amorce par conséquent la partie suivante.

     

    Une période de répit, de victoire :

     

    Il s’agit dans cet interlude, de laisser au couple apprécier le fait d’avoir surmonté cette première épreuve. Le lien est d’autant plus fort d’avoir fait face à un obstacle. Les techniciens sont toujours présents dans la scénographie mais n’agissent plus.

     

    Le couple a triomphé de cette première adversité. La prochaine épreuve cependant est plus violente et complètement imprévisible.

     

    La tempête de la santé :

     

    Lors de l’épreuve de santé, qui est ici, aussi violente qu’une tempête, l’élément central sonore est le caractère imprévisible et aléatoire d’impacts puissants et agressifs. Entre ces impacts un bruit continu et strident est sempiternellement présent, comme pourrait l’être le dérangement chronique d’une maladie. 

     

    Ce bruit strident tient le spectateur en haleine au même titre que les danseurs alors qui se demandent quand arrivera le prochain impact……. créant ainsi chez lui, la même appréhension que chez les danseurs. 

     

    L’”aléatoire” (maintenant remplacé par le jeu de Matthias qui cherche à imiter l’aléatoire) crée donc ici le chaos, et évoque le côté arbitraire d’un problème de santé imprévisible, de sa progression, de ses symptômes.

     

    Au niveau visuel, nous souhaitons évoquer la manière dont un problème actuel (ici de santé) peut distordre et fausser des souvenirs pourtant heureux. Nous filmons donc l’ouverture de l’oeuvre, (voir captation vidéo) pour ensuite la rediffuser à ce moment.

     

     Un des êtres cherche à se rappeler des souvenirs d’une période où leur relation était solide, mais il est impossible de se les remémorer clairement, les effets de la maladie perturbent la vision du passé. Il s’agirait de “glitcher” ici aussi la vidéo du passé.

     

    Étape finale :

     

    Suite aux retours motivés de la direction artistique, il a été estimé qu’il serait judicieux que les deux protagonistes de notre performance viennent à périr face à ces tribulations.
    Ainsi, dans un baroud d’honneur face à la tempête les deux danseurs meurent.

    DISPOSITIF TECHNIQUE, LIAISON SON/DANSE/VISUEL :

    Pour la réalisation de notre projet nous avons décidé de réaliser ce dispositif scénique :

     

    Notre création sonore étant une allégorie d’une tempête frappant un couple, nous avons jugé cohérent de mettre l’aspect chorégraphique en opposition avec l’aspect musical en encerclant les danseurs.

     

    Liant par la même occasion le tout à l’aide de la vidéo et des interactions générées par les capteurs.

     

     

    ANALYSE TECHNIQUE :

    Concernant la partie son de la proposition, nous utilisons deux logiciels pour gérer le son du microphone et chaque instrument présent. Nous utilisons REAPER pour les percussions et Ableton Live pour les claviers maîtres. 

     

    REAPER (Percussions et Voix) :

     

    Nous pouvons constater que les percussions, fonctionnant grâce à ce séquenceur, possèdent deux réglages permettant de représenter les deux tempêtes.

     

    Car il était à notre sens, important de clairement différencier les deux tempêtes en utilisant des réglages diamétralement opposés.

     

    Le premier réglage est composé de trois sons disposés sur chaque pads du set de percussions. Il s’agit des sons de la tempête de l’épreuve du temps. Nous avons le woodblock qui permet d’évoquer le son d’une horloge, le timpani qui représente l’effet de cette épreuve et la cymbale “reverse” qui annonce la fin de l’épreuve du temps. 

     

    Dans ce réglage, nous utilisons l’effet permettant de faire varier le pitch du woodblock. Nous faisons varier la tonalité du timpani en fonction de la position du capteur.

     

    De plus, nous utilisons un filtre passe-bas permettant d’atténuer la présence de cet instrument représentant ainsi l’atténuation de la première tempête. Nous allons faire varier ce filtre grâce à un capteur faisant varier la fréquence de coupure en fonction de la position verticale de celui-ci.

     

    Le deuxième réglage permet de représenter la dernière tempête. à la différence du premier, il possède deux sons différents disposé sur deux pads. Nous avons en premier lieu une sonorité qui se rapproche du tonnerre, mais sans en être et qui est l’élément principal de cette épreuve. C’est de fait l’élément qui permet de donner davantage d’amplitude à cette tempête. Ce son est accompagné par des sons d’éclats de verre qui sont déformés à loisir afin de coller à notre parti pris du bruitisme, dont nous avons trouvé l’inspiration dans le travail de Luigi Russolo. 

    Ableton Live (Samples) :

     

    Les percussions sont accompagnés par des samples traitées de différentes manière à l’aide d’Ableton Live. Ethan disposant de deux claviers maîtres, à la différence de Michael qui n’en possède qu’un seul.

     

    Ethan contrôle donc deux pistes à la fois. Lorsque la deuxième partie de la représentation s’amorce ce dernier bascule sur deux autres pistes.

     

    Dans la première partie, il joue une ambiance créée à l’aide d’un bâton de pluie, et une seconde synthétisée avec peu d’harmoniques.

     

    Dans la deuxième partie il joue un tremblement (rumble) , basé sur un bruit blanc dont on n’a conservé que les fréquences les plus basses, accompagné de grattements, des grincements, délimitant toujours le projet dans cette optique du bruitisme.

     

    Pour ce qui est  du travail de Michael, ce dernier garde le contrôle de deux pistes tout au long de la pièce, avec des sections différentes du clavier. 

     

    La première est une synthèse FM, avec de long mouvements de hauteur du modulateur et de la porteuse (la porteuse étant en fait un sample), contrôlés avec le Mod Wheel et le Pitch Bend. La deuxième est un sampleur avec un sample différent sur chaque touche. Différents samples sont utilisés pour la première partie et la deuxième partie de la tempête. La totalité de ces samples sont traités par un Frequency Shifter. L’importance de cet effet est contrôlé par la quantité de mouvement détecté par le capteur d’ Hina.

     



    ANALYSE VISUELLE :

     

    Le contenu déjà réalisé :

     

    Comme nous l’avons précédemment évoqué, nous utilisons pour gérer la vidéo, le logiciel Resolume Arena 6. La composition est divisée en trois grands mouvements : 

    Un premier mouvement basé sur la nature, la terre.
    Cette première ligne ne contient de ce fait que des arbres et des palmiers, éléments symboliques du sud, par essence lieu de notre formation et de fait, de notre représentation.

     

    Un second mouvement basé sur la nature, le ciel.

    Trois ambiances, l’une assez grise et morose, une autre prenant le corps d’un crépuscule, et enfin, la dernière, représentant un ciel bleu mais ponctué de nuages.

     

    Le troisième mouvement est quant à lui hybride, mélangeant ainsi les nuages, les arbres; et les hommes.
    De fait, en plus de cet aspect vivant s’ajoute un aspect psychédélique collant à la psyché des protagonistes.

     

    La captation vidéo :

     

    Comme l’une des thématiques principales de notre projet est le souvenir, nous avons décidé de capter directement des images de la représentation pour les déformer durant le spectacle.

     

    Ainsi Amine filme le début du spectacle, lorsque le couple en est aux prémices et encore insouciant.

     Une fois ces premières images filmées, nous les insérons donc dans Resolume Arena, directement de la carte SD vers l’ordinateur, afin d’appliquer dessus une distorsion, représentant par là, l'altération des souvenirs des deux danseurs face à la maladie.

     

    Nous nous sommes tournés vers le choix de la carte SD, car nous avions déjà trop de choses à gérer en temps réel. Et le fait de gérer une captation vidéo en temps réel n’était envisageable. De toute manière, le temps réel ne servait pas le propos tenu.

     

     

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